Le blog des classes de Mme Houdayer

Cécile sortait de chez Angèle. Elle aurait tant aimé lui dire tout ce qu'elle savait, tout ce qu'elle avait vu. Ses sentiments étaient partagés: d'un côté elle pensait qu'Angèle devait savoir; de l'autre elle se demandait ce que cela pouvait bien lui apporter de plus hormis du chagrin.

Cécile avait commencé à avoir des soupçons lorsqu'elle avait vu Baptiste discuter avec Germaine Richard. Bien sûr, ils ne faisaient que parler, mais il lui avait pourtant semblé distinguer une certaine complicité entre eux. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'elle aperçut le fils Richard. Il était le portrait craché de Baptiste. Cécile n'avait alors plus le moindre doute.

Elle fut confortée dans ses impressions un soir de Mai; alors que la chaleur étouffante l'empêchait de dormir, elle décida donc de se promener dans le village. Elle aperçut une ombre suspecte. Intriguée, elle décida de la suivre. L'ombre s'arrêta devant la maison de la veuve Richard. La porte s'ouvrit avec précaution, mais Cécile eut le temps d'apercevoir le visage éclairé de Baptiste. Fallait-il tout révéler à Angèle? Elle avait assez de chagrin avec Baptiste qui était très malade. Et puis la mort était arrivée. Alors à quoi bon parler?

Thibault

Cécile avait en elle un sentiment de victoire qu'elle ne devait pas laisser apparaître. Elle retourna chez elle d'un pas lent pour aller se changer.

Elle y était enfin parvenue, elle avait réussi à se venger.

Cécile se changea en vitesse puis descendit l'escalier en chêne qui menait dans la salle de séjour et se dirigea vers la porte. Elle jeta un œil vers la bibliothèque du salon et fixa un gros album photo blanc. Elle s'arrêta,prit l'album et s'écroula dans le vieux fauteuil aux accoudoirs défoncés. Les photos étaient rangées par ordre de taille. Le même visage se répétait chaque fois et sur quelques photos, un visage de femme brûlé ou raturé changeait de l'ordinaire. Sur toutes apparaissait le même visage, celui de Baptiste. Elle remit le classeur en place et resta assise, pensive. Elle ne regrettait rien ; il l'avait reniée après sa rencontre avec Angèle et cela, elle ne le supportait pas. C'était son Baptiste avant qu'Émilie Martin ne vienne tout gâcher ; elle avait eu ce qu'elle méritait, cette idiote ! Cécile se leva et se hâta vers la maison d'Angèle. Elle entra sans un bruit et se dirigea vers le salon. Angèle était assise dans son grand canapé rouge. Cécile fut invitée à s'asseoir et elles discutèrent toutes deux de l'enterrement et du chagrin de tous.

C'était un après-midi ensoleillé et Cécile et Angèle était venue prendre un thé en regardant Baptiste dans les champs. Cécile avait entamé la conversation :

« - Tu sais, le fils de la catin de Richard, ressemble extrêmement à Baptiste ! »

Elle mentait ; on n'avait jamais vu le fils de la vieille Richard à Sainte-Croix. Cécile avait raconté d'autres mensonges cruels mais assez plausibles. Angèle avait un regard mauvais qui fixait le paquet de mort-aux-rats qu'elle venait tout juste d'acheter.

Cécile était revenue plusieurs fois chez Angèle en continuant de la manipuler.

Un jour, le fils Richard arriva à Sainte-Croix pour revoir sa mère. Cécile était avec Angèle et elles virent toutes deux le garçon avancer dans la rue principale. Cécile le trouvait un peu bizarre, un peu idiot. Mais Angèle ne disait mot et on ne la revit plus de la journée. Le lendemain, Cécile apprit que Baptiste était malade.

Cécile arpentait maintenant, sous la pluie, les rues sombres de Sainte-Croix. La conscience tranquille, Cécile rentra chez elle, et, pour la première fois depuis un peu plus de vingt ans, elle était heureuse.

Maxime